La Transhumance des Ballons
- Les oeuvres Art/Espace Public
Le collectif Chuglu a pris l’habitude de ramasser des balles et des ballons perdus sur les terrain vagues, les toits des écoles, etc…. De son côté, le groupe artistique Les Pas Perdus garde en stock, depuis la Traversée de l’Afrique le ballon au pied, des poteaux de buts arrangés et mobiles, de tailles variables, sur roulettes et colorés.
Les discussions communes ont donné naissance à une idée : organiser une transhumance pour transporter des ballons et des balles quillés à travers la ville, toutes sortes de sports de ballon ou de jeux de balles, souvent un peu fatigués et même sérieusement défraîchis.
Comme lors de la transhumance des moutons, ce troupeau de ballons a voyagé d’un endroit à l’autre de la ville en faisant des pauses au long de la route pour faire reposer les ballons. Ces mi-temps, moments réparateurs de rafraîchissement et de poésie sportive, étaient des instants propices à la réparation des ballons et à la transformation de ceux qui en ont besoin. C’étaient l’opportunité de solliciter les passants pour nous aider à remettre en forme ces balles perdues à l’aide de kits de soins et à grand renfort de boissons rafraîchissantes.
Il était question d’apporter de l’attention et de la tendresse aux balles et aux ballons qui, après avoir reçu des coups de pieds ou des coups de battes, de raquettes durant une grande partie de leurs vies, ou étourdis par des jets aériens, trouvent ici un repos bien mérité. Une attention par le soin et la douceur.
Extrait de l’article de Myriam Guillaume, La Marseillaise, du lundi 5 aout 2024
Pour l’instant le troupeau s’est comporté de manière exemplaire, ce sont plutôt nous qui sommes novices dans cet exercice”, avouait Guy-André Lagesse, lors d’une pause revigorante à l’ombre de la cité Fonscolombes dans la première étape de la transhumance. Ils y étaient accueillis par Katia, chanteuse, sa fille et son petit-fils avec une collation rafraichissante très appréciée. “Nous avons un problème dans les virages à droite, parce que nous avons conçu des crosses de gaucher”, déplore un berger chuglu armé d’un râteau en raquettes de tennis.
Chaque halte est également l’occasion de redonner un petit coup de pompe dans les plus dégonflés. Le trajet n’est ni plat ni linéaire, les ballons s’échappent des filets de contention, prennent de l’allure, s’emballent… un accident est si vite arrivé(…) Elio vérifie l’état du cheptel et consigne chaque intervention pratiquée en ambulatoire sur les fiches d’identité des ballons. La prochaine halte à l’hôpital européen avant de fondre sur le Frac “pourra être utile en cas de soins plus importants”. (…) Trois d’entre eux, éreintés, le cuir béant, sont portés dans un sac à dos ambulance. (…) lundi la route sera encore longue et pleine de surprise(…)
Retour sur le 2ème jour
A mi-parcours, la bonne décision
Dimanche soir 5 août, la transhumance fait une courte pose au Bistrot La Marseillaise, enfin le troupeau des 120 ballons passe la nuit au Grand Domaine accueilli par Elsa du Labo Largent.
Lundi 6 août, 9h du matin, fraichement reposée, l’équipe des bergers se retrouve à la terrasse de la boulangerie mitoyenne, pour réviser le programme et le parcours de la journée, prenant en compte l’effectivité de la 1ère journée.
En effet l’expérience du 1er jour nécessite une discussion : guider les ballons plus ou moins abimés dans les rues animées n’est pas une chose évidente. Les balles de toutes tailles ont beaucoup vécu et la semaine de réparation, revitalisation de chaque ballon n’a pas effacé tout le passé qu’ils ont traversé, tout ce qu’ils ont enduré et qui ressemble souvent à une mise au pas.
Chuglu a déjà pris les devants ; de nouveaux instruments de guidage ont été fabriqué la veille au soir : des rateaux, des filets et des ballets-rabateurs.
Puis est venue la bonne décision, celle de modifier légèrement le trajet pour finir sur la Canebière et également de le raccourcir pour se donner plus de temps d’interaction avec les habitants. Chercher des situations urbaines contrastées, chercher l’ombre, notamment dans le Panier, des chemins moins accidentés, des voies de circulation plus tranquilles (moins de véhicules)…
Le Panier
Dans le Panier, ce fut un moment assez sportif, jouissif mais aussi plus calme paradoxalement ! Les bergers, fort de l’expérience de la veille, ont acquis une certaine dextérité dans l’art de conduire et prennent rapidement plus de liberté dans les déplacements. Les mouvements du corps sont plus variés et agiles avec les pieds, les outils et les mains. Les soutiens et coups de main des passants de tout âge sont des moments d’échanges fortement teintés d’humour et de joyeuseté.
L’ombre, la douceur des rue piétonnes, le doré de la lumière, l’étroitesse des chemins empruntés, les coups de main, rendent ce moment du voyage inoubliable !
Pose et pique-nique devant la Vieille Charité, jus de gingembre à partager, offert aux touristes, sur nos chars à main et à deux étages : le plateau pour les coupes et les expositions de ballons, le dessous pour le rangement du matériel. Des sculptures porte-ballons et porte-chaussures permettent de les (re)mettre en valeurs.
Le lâché de ballons sur la Canebière provoque un immense moment de « foot-total ». Plus de 100 ballons et des dizaines d’enfants très jeunes, suivis d’adultes jouent tous ensemble !
Pris dans l’enthousiasme, la liesse générale, le Joyeux Débarras des Pas Perdus et les pratiques éphémères de Chuglu s’expriment, se déploient encore une fois : le cycle de la vie continue, tout doit disparaître. En deux heures, tout est parti pour laisser renaître et apparaître de nouvelles pratiques urbaines …
L’art peut-il vouloir rendre la vie plus intéressante que l’art, comme le pensait Robert Filliou ?
Merci à tous nos partenaires:
Pôle d’accueil de jour PAAJ (DIMEF), Théâtre de l’Astronef – Centre Hospitalier Edouard Toulouse, Les 8 Pillards, Conseil Départemental 13, Programme Culture et lien social DRAC Paca, Ville de Marseille, Labo Largent.