La création à 4, 6 ou 8 mains

Date : 14 mai 2017

La création des images de la Joliette des Songes est collective. Aujourd’hui, comme souvent dans le parcours des Pas Perdus, les œuvres produites sont le fruit d’une réflexion partagée entre un sujet, baptisé « occasionnel de l’art », et le trio d’artistes dits « facilitateurs ».

Vous dites pratiquer la « cocréation ». Que recherchez-vous dans un processus qui se déroule, pourrait-on dire, au risque de l’autre ?

Guy-André Lagesse : Si quelqu’un s’arrête et a envie de faire quelque chose avec nous, alors on va tout faire pour aller jusqu’au bout. Une fois l’aventure posée, on va se débrouiller pour trouver la solution.

Nicolas Barthélémy : Cela dit, il peut y avoir des doutes, des échecs, des rendez-vous manqués. Il faut que chacun y trouve son compte, pas seulement nous ou la personne avec qui nous travaillons. Pour elle, il faut reconnaître que ce n’est pas toujours évident, car du fait de notre pratique, nous avons tendance à aller très vite et nous sommes trois. Du coup, elle peut se sentir dépossédée ou manipulée. Nous faisons en sorte de ne pas prendre le pouvoir et sommes attentifs à la relation.

Jérôme Rigaut : En tant qu’individu, nous sommes aussi dépossédés, mais pas en tant que Pas Perdus.

G.-A. L. : Si quelqu’un n’est pas content, c’est à nous de nous remettre en cause. Nous travaillons avec les intuitions des autres. La cocréation nous permet d’envisager un point de vue différent du nôtre. Ce que nous allons chercher, c’est un rapport à l’esthétique que l’on n’acquiert pas dans les écoles d’art. L’œuvre se modèle et se module dans la relation, pendant le travail de création.  Certaines hypothèses se révèlent plus justes que d’autres, on échange constamment. C’est intéressant d’être exigeant à quatre.

N. B. : C’est une telle ouverture pour nous d’avoir un autre point de vue. Cela nous entraîne vers une autre esthétique. Quand je travaille seul, mes œuvres sont très différentes de celles que je propose avec les Pas Perdus. Cela ne veut pas dire que je ne m’y retrouve pas, au contraire. Notre pratique repose d’ailleurs sur l’assemblage : assemblage des objets, des points de vue et des sensibilités.

G.-A. L. : Nous cherchons à créer un contexte stimulant et inspirant, où chacun peut se nourrir, comme dans la rencontre amoureuse, quand l’échange de sensibilités génère de l’enthousiasme. Le collectif ne nie pas l’individu, il le met en avant. Chaque œuvre réalisée suit sa propre méthode, mais nous travaillons souvent à trois : deux membres des Pas Perdus et un occasionnel de l’art. D’une manière générale, en musique comme ailleurs, le trio est plus dynamique que le quatuor.

@