The transit of Venus across the sun /Chronique de l’intérieur d’un coquillage
Port Mathurin, Rodrigues, mercredi 24 avril 2024 – texte de Dorine Julien
Quand tu écoutes l’intérieur d’un coquillage tu entends la mer.
Préambule: L’île Rodrigues, située dans l’océan Indien, a été l’un des nombreux endroits dans le monde où les astronomes et les observateurs se sont rassemblés pour observer le transit de Vénus à travers le soleil en 1761 ! L’astronome Français Alexandre Gui Pingré était parmi ceux qui ont voyagé là pour observer l’événement. Les observations de divers sites dans le monde ont permis de recueillir des données précieuses pour calculer l’unité astronomique: la distance entre la Terre et le Soleil.
Au moment où Guy et moi nous sommes arrivés à la Maison Vénus, à Rodrigues, le 14 avril, la vie de la résidence était déjà bien rôdée. Manou et Asta sont venus nous chercher à pied, à l’arrêt du bus, à Port Mathurin, en milieu de journée chaude et humide à la fois. Une alternance de soleil qui pique la peau et de pluie tropicale qui fait du bien.
Nous avons découvert cette grande maison blanche, plutôt imposante, sur 2 étages avec une immense terrasse qui surplombe une vaste cour, comme un préau avec des colonnes et entièrement pavé. Ce que j’ai cru comprendre c’est qu’en attendant que cette bâtisse soit restaurée pour recevoir de futurs éventuels touristes, elle a été confiée à Manou pour être le refuge, logis, lieu de travail et d’exposition pour les 15 artistes de la résidence Escale Rodrigues dont le thème est “The Transit of Venus across the sun”: une nouveau laboratoire du groupe Escale.
Cette bâtisse n’a rien d’un centre d’art ou d’un espace de résidence d’artistes officiel et pourtant ceux que nous retrouvons pour la deuxième fois viennent des 4 coins du monde pour prendre ce temps destiné à la recherche et à l’échange. Recueillir des données nouvelles pour éprouver la distance entre nous et qui pourtant nous émerveille.
Vivre et partager les ingrédients de cette résidence au quotidien, fait prendre conscience que les artistes qui ont de fortes capacités d’utilisation et d’adaptation des espaces et des matières disponibles, en présence, ce qui est là sur place, cad pas grand chose. Pas grand chose mais une quantité de petites choses constituées de restes, de matières végétales, de “bits and pieces”, de petits achats dans les quincailleries du port, de multitudes et menues trouvailles autour de l’île.
Les moyens du bord
En ce qui concerne les espaces, chaque artiste a besoin de concentration dans sa recherche et son temps d’élaboration. Il ou elle ne partage pas toutes les étapes du travail.
Le plaisir que procure la découverte de chaque coin jouant du dedans/dehors, lumineux, abrité, choisi avec attention afin d’être protégé du vent, ou bien des moustiques, possiblement aménageable avec des solutions de fortune…
Les outils de travail, l’établi sont aussi à construire, à inventer si loin de chez soi. Tout ceci démontre l’ingéniosité et l’adaptabilité de chacun dans cette mise en condition, dans la création de ce nécessaire et temporaire espace de recherche.
J’ai eu le bonheur de partager les avancées de travaux qui allaient être exposés prochainement, notamment avec Asta, la tisserande, Tono, la collectionneuse, Razeea, “l’abstractrice d’images” et Guy-André le compositeur tactile.
Cette appropriation des lieux, cette adaptation aux conditions nouvelles et aux situations inconnues, dans un même endroit, par 15 personnes différentes procure pour celui ou celle comme moi qui a la chance d’en profiter une sentiment de plénitude et exprime tout un panel de modalités d’action.
Manou Soobhani et Asta ont préparé cette résidence en l’inscrivant sous le signe de l’exporation scientifique de 1761 à Rodrigues “The Transit of Venus” à l’occasion de laquelle scientifiques tendent vers une même recherche.
J’ai trouvé dans les configurations éphémères, spartiates mais néanmoins très expressives des espaces de travail de chaque artiste, une amplitude et des résonnances surprenantes, amusantes vis à vis du “thème” et de l’invitation.
L’expositon (à laquelle je n’ai pas assistée) raconte le rapport inventif de chaque artiste à son espace de création et nous fait voyager entre nature et manufacture aux frontières de la représentation et de l’extrapolation. Une explosion de modestes propositions à la mesure astronomique.
Avec les artistes de Rodrigues, Ile Maurice, Islande, Japon, Pologne, France, Allemagne, Lithuanie :
Razeea Mamode Lindner, Valerie Me´dard-Ramchurn, Antje Poppinga, Guy André Lagesse, Anke Doberauer, Kristine Schnappenburg, Ásta Vilhelmína Guðmundsdóttir, Ayumi Tonokura, Diana Radaviciute, Piotr Zamojski, Manou Soobhany
Maison Vénus, Barclay street, Port Mathurin, Rodrigues